L’Arène

Quand il courait vers eux, avec ses pieds cassés d’une si longue course, mais surtout de la dilemme de continuer le voyage ou de se jeter mortellement par terre, ils bouillonnaient d’impatience, en attendant de se rendre, après les Dieux, les uniques maîtres du Feu le Merveilleux, avec lequel ils pourraient cuire la nourriture, la viande, le pain.

Ils étaient en train d’attendre le Feu, avec lequel ils seraient capables de chauffer leurs solitudes, quoique la nourriture représentait pour eux seulement une variante de la solitude et de l'inversement.

En tenant le Feu dans ses paumes, Il courait de plus en plus difficilement – parce que probablement il est plus pénible de descendre que de monter sur une montagne – mais il courait sans cesse, tandis qu’ ils l’attendaient toujours, en hurlant avec stupéfaction, heureux, raffraîchis des sifflets et des applaudissements d’admiration.

Quand leur admiration est devenue inaccoutumée, prenant le visage de la sauvagerie, ils ont essayé de toutes leurs forces de le toucher avec les mains, avec les doigts, avec les ongles, avec les regards enflammés, ou de le baiser, probablement dans l’espoir de réussir d’enlever tant qu’il pourraient de Son attitude inaccoutumée, ainsi que de Son silence, sans savoir que pendant ces instants, à Lui, étant en pleine vitesse, même un baiser ou un léger attouchement, provoquerait une douleur semblable à celle d’un couteau ou d’une balle de fusil.

Les derniers pas Il les a parcourus quasiment comme un mort. Parce que Lui non plus, Il n’était exempté de mort.

Des tisons sont tombés de ses mains en se versant sur leurs têtes, sur les seins des femmes, sur les cheveux, mais ils ne s’attendaient pas à une telle malchance, à une pareille imprudence; ils ont commencé à hurler et à siffler ensemble furieux, désillusionnés, quelques-uns même enragés, tandis que l’admiration et la frénésie d’autrefois ont été dirigées brusquement vers ceux qui étaient capables d’éteindre le plus tôt possible les charbons ardents.

Dans ce but, ils utilisaient généralement des mottes, le crachat impardonable, leurs grosses plantes ou l’urine.

Lui s’est écroulé déjà derrière, sur leur dos.

Quand il a essayé, pour la dernière fois, d’ouvrir les yeux afin de voir ce qui se passait avec le Feu, qui l’a apporté, il s’est rendu compte que ses paupières étaient trouées, brûlées et, même s’il ne voudrait pas, il était capable de voir.

Collé contre la paume de la main gauche, il est resté uniquement un seul charbon ardent, délicat, comme une flamme de cierge.

Après l’avoir traîné vers le rocher du châtiment, en le crucifiant là-bas, Il a commencé à s’imaginer comment le Vautour éternellement affamé serait venu et serait installé sur Lui, comment enfoncerait ses griffes dans Son corps, comment enfoncerait le bec froid dans sa foie condamnée à une éternelle guérison, comment Lui même, devenu, en quelque sorte, un mort en vie et un vivant mort, chuchoterait au Vautour:

- Mange-moi, mange-moi... Il vaut mieux toi plutôt qu’eux...

Au cours de ces instants, ils étaient en train de venir en mastiquant le Vautour.

Traduit du albanais et du roumain: Kopi Kyçyku